Les enjeux des négociations pour un traité de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis

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Une nouvelle saisine de la section des Affaires européennes et internationales
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En juin 2013, les États-Unis et l’Union européenne se sont engagés dans un processus de négociation en vue de l’établissement d’un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, également connu sous l’expression de « traité de libre-échange transatlantique » (TTIP).

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L’objectif visé est ambitieux à plus d’un titre. En effet, si les négociations aboutissent, ce partenariat instituera la plus vaste zone d’échanges au monde, compte tenu du poids économique et commercial des deux parties : l’UE représente 23,2% du PIB mondial et les États-Unis 21,8% et leurs échanges de biens et de services équivalent à 30% du commerce mondial. Ce projet d’accord se caractérise par le nombre de volets concernés. Il a, en effet, vocation à s’étendre bien au-delà des seuls droits de douane qui, de part et d’autre de l’Atlantique, sont déjà très bas, de l’ordre de 2% même si des pics tarifaires demeurent sur certains produits. Le cœur de la négociation porte sur les barrières non tarifaires, à savoir les écarts de réglementation et les obstacles techniques qui entravent le développement des relations dans de multiples champs : accès au marché pour les services, accès aux marchés publics, investissements dans différents secteurs, protection de la propriété intellectuelle, obstacles non tarifaires agricoles, indications d’origine, différences de normes en matière sanitaire, phytosanitaire, environnementale…Ces quelques exemples -non exhaustifs- suffisent à rendre compte de l’ampleur du chantier et du chemin qu’il y aura à parcourir pour rapprocher les points de vue.

Pour ses partisans, cet accord, parce qu’il met l’accent sur la convergence réglementaire, la libéralisation des investissements et l’accès aux marchés publics, aura un impact positif sur le développement des entreprises et la croissance économique des deux parties. De plus, face à la montée en puissance de la Chine, la formation d’une « coalition » économique transatlantique mettrait les deux partenaires en position de force pour faire valoir leurs propres standards. 

Pour ses détracteurs, les risques apparaissent supérieurs aux supposés bénéfices attendus. De façon plus générale, le manque de transparence qui entoure ces négociations, régulièrement pointé par les acteurs de la société civile, nourrit un climat de défiance que la récente publication du mandat de négociation confié à la Commission n’a pas levé. Les craintes d’un nivellement par le bas des normes applicables et d’une remise en cause in fine des préférences collectives sur lesquelles s’est bâtie l’UE sont également fortes. Enfin, la question très controversée du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS) qui donne la possibilité à une entreprise de poursuivre un État devant un tribunal arbitral, soulève des oppositions extrêmement marquées. La récente prise de position de la France et de l’Allemagne pour une révision de cette même clause de règlement des différends insérée dans l’accord UE/Canada et qui risque de remettre en cours sa ratification en 2015 témoigne, parmi d’autres sujets, du caractère éminemment sensible de ce point.

Le 8ème round de négociations vient de se terminer mais les discussions, à ce stade, relèvent encore essentiellement d’échanges réciproques sur les législations applicables au sein de chacun des deux blocs.

Les intérêts en jeu pour l’UE sont majeurs non seulement sur le plan économique et commercial mais également sur celui des valeurs, du modèle de société qu’elle défend et entend promouvoir sur la scène internationale. Le cours des négociations sera également déterminant pour l’évolution des rapports de force géostratégiques entre bien sûr l’UE et les États-Unis mais aussi sur les relations qu’elle a su nouer sur un mode privilégié avec nombre de pays tiers et d’ensembles régionaux. A ce propos, il faut rappeler que les États-Unis négocient par ailleurs avec 11 pays de la région pacifique le Transpacific Partnership qui recouvrirait, s’il se concluait, 40 % du commerce mondial.

Par son envergure, la signature d’un tel traité de libre-échange aurait des conséquences pour tout un chacun. Avec ce projet d’avis, le CESE se propose donc de contribuer à éclairer la décision publique en se faisant le porte-voix de la société civile dans toute la diversité de ses composantes sur un certain nombre de points et d’orientations qui appelleront nécessairement un approfondissement du débat et de la concertation. En tout état de cause, cette négociation est appelée à s’étendre bien au-delà de l’année 2015. 

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