Les jeunes et les politiques publiques : un profond déséquilibre

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Éclairages
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Dialogue entre Antoine Dulin et Jean-Baptiste Prévost
Chapeau

Point de vue de deux membres du groupe des jeunes et des mouvements de jeunesse sur la participation des jeunes Français aux politiques publiques et sur la politique qui leur est consacrée.

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Quel est l’apport de la participation des jeunes aux politiques publiques ?

Jean-Baptiste Prévost : "Je ne crois pas que l’on puisse « essentialiser » le regard des jeunes sur la chose publique : d’importantes différences existent entre les jeunes, selon leurs parcours, leurs origines, « LE » jeune n’existe pas, et leur apport n’est pas uniforme. Mais il est un fait que l’évolution démographique, le vieillissement de la société française, un certain paternalisme également, compliquent l’accès aux responsabilités dans la sphère politique, syndicale ou dans les entreprises, ce qui renforce le sentiment de mise à l’écart. Dès lors, les politiques publiques ne répondent que partiellement aux attentes d’une part importante de la population. Ce déséquilibre générationnel dans les politiques publiques renforce la crise démocratique que traverse notre pays, qui se traduit par une déconnexion croissante entre les attentes des citoyens et les politiques mises en place."

Antoine Dulin : " Actuellement les jeunes participent peu à l’élaboration des politiques publiques. Au niveau des institutions de la République, le seul endroit où ils sont représentés de manière institutionnelle et durable est le CESE. Or, il nous semble que faire participer les jeunes dès l’élaboration des politiques publiques, est la garantie d’une adhésion et d’une prise en compte de leur réalité. Il y a un risque réel de non adhésion de cette génération aux politiques actuelles et plus largement au système de solidarité intergénérationnelle."

Comment la mettre en oeuvre ?

Antoine Dulin "Il faut encourager la participation des jeunes dans toutes les instances de représentation et que celles-ci s’adaptent à la réalité et aux modes d’engagement de cette génération. Le Cese, dans l’avis sur l'accès des jeunes aux droits sociaux, propose aussi la création d’un conseil d’orientation des politiques de jeunesse qui aurait pour objectif de proposer des orientations au gouvernement sur la mise en oeuvre d’une politique en faveur des jeunes et serait garant de la prise en compte des jeunes dans chacune des politiques publiques. Nous proposons également, comme cela existe au Québec, la mise en place d’un « paragraphe jeunesse » pour chaque projet ou proposition de loi votée."

Jean-Baptiste Prévost : "Je crois nécessaire d’encourager leur participation dans les instances de représentations collectives : partis, syndicats, associations, assemblées élues... Le risque est toujours grand de prévoir une représentation spécifique des jeunes, cantonnée à un rôle consultatif sur des problématiques jugées « à leur portée ». De ce point de vue, l’intégration des étudiants au CESE est une avancée. Il ne faut pas se tromper : la demande qu’ils expriment est d’être des citoyens à part-entière, et non entièrement à part."

Quel regard portez-vous sur la politique de jeunesse ?

Jean-Baptiste Prévost : "Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est confuse. Que veut-on faire collectivement des jeunes ? Malgré les inégalités qui traversent les jeunes, la jeunesse est un nouvel âge de la vie, caractérisé par un même besoin de formation, et une aspiration commune à l’autonomie. Or, la politique en direction des jeunes ne répond plus suffisamment à ce besoin, et pas du tout à cette aspiration. La France n’a toujours pas choisi son modèle. Entre la familiarisation intégrale des politiques en direction des jeunes, sur le modèle des pays latins, et le soutien assumé à leur autonomie, sur le modèle des pays nordiques, nous hésitons. Cette situation n’est pas que le fruit d’un abandon involontaire des étudiants au cours de l’Histoire. Chez une grande partie de nos dirigeants, l’idée selon laquelle il serait normal que la jeunesse soit synonyme de galère est largement répandue. La jeunesse est tenue pour une génération a priori suspecte, sommée de présenter un certificat de civisme, voire de moralité, avant de pouvoir prétendre à une formation ou à un emploi stable."

Antoine Dulin " On ne peut pas vraiment parler en France d’une politique de jeunesse. Emploi, santé, études, mobilité, aides sociales, éducation, ces sujets sont traités séparément par les institutions, sans avoir de vision d’ensemble. Pour preuve, le conseil interministériel de la jeunesse crée dans les années 1980 ne s’est pas réuni pendant 18 ans ! Notre système de protection sociale n’a toujours pas pris en compte les mutations de la jeunesse, la France est le seul pays européen avec le Luxembourg à n’avoir pas de revenu minimum à partir de 18 ans."

 

Jean-Baptiste Prévost est étudiant et ancien président de l’UNEF. Au sein du CESE, il est président du groupe des Organisations étudiantes et mouvements de la jeunesse et membre de la section du Travail et de l’emploi dont il est le rapporteur pour l’avis « L’emploi des jeunes », et également membre de la section de l’Education, de la culture et de la communication.

 

Antoine Dulin est délégué national aux Scouts et Guides de France (mouvement de plus de 70 000 jeunes). Il participe en tant que membre à différentes sections du CESE (Environnement, Affaires sociales et santé) ; il a été le rapporteur de l’avis « Droits formels/droits réels : l’amélioration de l’accès aux droits sociaux des jeunes ».

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